- ÉCLOGITES
- ÉCLOGITESLes éclogites – ainsi désignées par l’abbé Haüy pour indiquer la «sélection» ( 﨎凞礼塚兀) singulière de leurs minéraux – sont des roches essentiellement formées de grenat et de clinopyroxène particuliers; leur composition chimique, généralement analogue à celle de basaltes et de gabbros, est souvent déficitaire en silice.Loin de constituer une famille homogène, les éclogites traduisent des conditions de genèse variées. Dans les séries métamorphiques, ce sont habituellement des roches métamorphiques formées in situ . Au contraire, certaines éclogites en enclaves dans les roches ultrabasiques proviennent de la base de la croûte ou du «manteau» supérieur de la Terre et sont donc formées à de très grandes profondeurs: c’est le cas en particulier des enclaves d’éclogites à diamant trouvées dans les kimberlites.Constitution et gisementsLe grenat des éclogites renferme des proportions variables d’almandin (Fe3Al2Si312), de pyrope (Mg3Al2Si312) et de grossulaire (Ca3Al2Si312), sous forme de solutions solides; la quantité de grossulaire y est toujours inférieure à 50 moles p. 100. Le clinopyroxène, nommé omphacite , est aussi une solution solide formée de diopside (CaMgSi26) et de jadéite (NaAlSi26) en proportions variables; il s’y ajoute parfois de l’acmite (NaFe3+Si26). Le rutile (TiO2), parfois le quartz (SiO2) et la magnétite (Fe34) sont accessoires. Certaines éclogites renferment en outre: disthène, zoïsite, amphiboles, mica sodique, olivine ou enstatite.Les éclogites apparaissent dans deux types de gisements distincts: en enclave (xénolithes) dans des roches magmatiques basiques ou ultrabasiques (basaltes, kimberlites, certaines péridotites); en lentilles métriques ou hectométriques, groupées en essaims dans les séries métamorphiques formées de gneiss, de migmatites ou de micaschistes. Ces séries appartiennent à divers faciès minéralogiques (granulites, amphibolites, amphibolites à épidote, schistes à glaucophane), ainsi qu’à différents types de métamorphisme allant du type à glaucophane-jadéite jusqu’au type à disthène; mais on ne connaît pas d’éclogites dans les séries métamorphiques à andalousite.Conditions de formationLes phénomènes d’«éclogitisation» de gabbros à olivine, décrits dans certaines séries catazonales et même dans les séries épizonales, montrent la formation d’éclogites suivant un processus métamorphique. Ce processus aboutit à la transformation isochimique partielle des roches basiques en éclogite. L’olivine du gabbro est entourée d’une couronne de réaction formée de grenat et d’omphacite. D’une manière schématique, les réactions mises en jeu sont:Dans certains gabbros à olivine, l’absence de quartz a comme conséquence l’éclogitisation préférentielle de ces roches: en effet, en l’absence de quartz, le domaine de stabilité de la jadéite est étendu vers des pressions plus faibles (ou des températures plus fortes).La transformation isochimique d’un gabbro en éclogite élève la densité de la roche de 3,0 à 3,5. Cela suggère que les éclogites ont pris naissance sous de fortes pressions, ce que confirment encore diverses observations: le silicate d’alumine stable est toujours le disthène, polymorphe de haute pression; le clinopyroxène peut être largement substitué par la jadéite (jusqu’à 60 moles p. 100) et le grenat est souvent riche en pyrope, substitutions que favorise la pression; les éclogites n’existent pas dans les séries métamorphiques à andalousite formées à basse pression; enfin, des éclogites xénolithiques renferment du diamant en inclusions dans leurs minéraux. Aussi, Eskola, dans sa classification des roches métamorphiques en faciès minéralogiques, considérait-il les éclogites comme les seuls représentants d’un «faciès des éclogites» défini par des pressions et des températures élevées. Actuellement, s’il est admis qu’une pression minimale est nécessaire pour l’apparition d’éclogites (P s 礪 5 憐 105 kPa), il est démontré que ces roches se forment dans un domaine très large de températures et de pressions qui correspond, en fait, à plusieurs faciès minéralogiques. En outre, la pression de l’eau P H2 était très faible dans les éclogites, qui sont des milieux peu hydratés ou «à sec». À côté des éclogites, des roches de composition chimique variée sont maintenant connues dans le faciès des éclogites stricto sensu .La composition des grenats (fig. 1) permet de classer les éclogites en trois groupes: le groupe A comprend les éclogites xénolithiques, dont les grenats renferment en moyenne 70 moles p. 100 de pyrope; le groupe B rassemble les éclogites liées aux gneiss du faciès des granulites et des amphibolites, où la teneur moyenne en pyrope du grenat est de 44 moles p. 100; le groupe C inclut les éclogites épizonales du faciès des schistes verts et des schistes à glaucophane, dont les grenats sont plutôt pauvres en pyrope (10 moles p. 100). Dans la mesure où ces roches ont des compositions chimiques analogues, ces variations traduisent des différences dans les conditions physiques de leur formation. De telles considérations et les données pétrographiques (éclogitisation) laissent à penser que les éclogites épizonales ont pu se former à basse température (450-500 0C) et à pression comprise entre 8 憐 105 et 106 kPa, dans les conditions du faciès des schistes à glaucophane. Parmi les éclogites du groupe B, certaines éclogites catazonales se sont formées à plus haute température (650 0C) et à plus forte pression, dans le faciès des granulites de haute pression; quant aux éclogites du groupe A, on admet qu’elles se sont formées à très forte pression (P s 礪 2 憐 106 kPa) et à température très élevée. Ainsi, les éclogites à diamant proviendraient, non plus de la croûte, mais du manteau supérieur. Cependant, des éclogites, en particulier des éclogites à quartz, ont pris naissance à la base de la croûte, dans des conditions telles que l’association caractéristique du faciès des granulites est devenue instable pour les roches basiques saturées en silice suivant la réaction:Ce sont ces éclogites et les éclogites subcrustales qui permettent de définir un faciès des éclogites caractérisé par l’instabilité du plagioclase. Ces dernières, connues sous forme de xénolithes, pourraient être des roches d’origine magmatique formées par différenciation ou fusion partielle à partir des péridotites à grenat qui constituent essentiellement le manteau supérieur (fig. 2).Quant à l’origine des éclogites crustales, elle peut être expliquée par un modèle géodynamique de la tectonique des plaques qui rend compte des fortes pressions nécessaires à leur apparition. Les limites des plaques convergentes sont les lieux où est consommée la lithosphère à croûte océanique le long d’un plan de subduction, par enfoncement de cette dernière, la plaque «subductée» pouvant atteindre une profondeur de 700 kilomètres. Dans ces conditions, les basaltes océaniques sont progressivement métamorphisés au cours de l’enfoncement d’abord en amphibolite, puis en éclogite. Dans le modèle de Ringwood (1974), c’est la fusion de ces éclogites entre 100 et 150 kilomètres de profondeur qui serait à l’origine des magmas calco-alcalins dont l’abondance caractérise les zones orogéniques en compression. L’utilisation de géothermomètres (partage du fer et du magnésium entre le grenat et le clinopyroxène) et de géobaromètres (teneur en constituant jadéite des omphacites) permet une estimation des températures et des pressions lors de la formation des éclogites crustales: ainsi pour les éclogites de Norvège, 750 0C et une pression maximale de 18 憐 105 kPa; pour certaines éclogites alpines, de 530 0C à 800 0C et de 13 à 2 憐 106 kPa. Ces résultats sont en accord avec les profondeurs atteintes lors de la subduction.Les éclogites subissent souvent des phénomènes de rétromorphose; «à sec», on observe une couronne de diopside + plagioclase (symplectite) autour de l’omphacite et une association orthopyroxène + plagioclase 梁 spinelle autour du grenat, ce dernier pouvant présenter une zonation inverse. Cette rétromorphose traduit le passage des conditions du faciès des éclogites à celles du faciès des granulites, par décroissance de la pression, liée au soulèvement adiabatique du bâti. En présence d’eau, les éclogites sont transformées en amphibolites à grenat ou en prasinites.
Encyclopédie Universelle. 2012.